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Le ciel se gagne de concert avec l'autre

kfatoumata

Agora des habitants de la terre

Campagne pour l’eau

L’eau et la vie d’Afrique, l’eau et la vie du monde


26 février 2035, la pluie ne cesse de tomber, dru, des cordes presque raides, comme si des vannes improbables auparavant, s’étaient enfin ouvertes dans les cieux.

Le bruit est assourdissant, mais il n’est pas terrifiant, il s’impose à tous, comme une aubaine dont découle une réflexion inédite sur les multiples liens entre la nature et les humains. Les temps ont changé ; les descendants du royaume du Tekrour sont à l’ère des planifications automatisées. La robotique a gagné leur cœur. De grands spécialistes sont là pour que tout soit bien régulé et préservé. La question de l’eau est au centre de la gestion de la cité. Ils en connaissent la valeur, pour en avoir longtemps manqué.


Podor se réveille langoureusement, les eaux fluviales coulent à flots. Nulle trace de sécheresse, les récoltes sont excellentes, le poisson foisonnant, la température clémente. Le drone de Racine survole les terres, et le fleuve ; il s’aventure jusqu’aux berges de la Mauritanie. Tout est visible et accessible en un clic, les images peuvent s’afficher automatiquement sur toute surface. Nul besoin d’écran. Les technologies de l’information vont à une telle allure que bientôt, on pourrait visualiser l’autre bout du monde directement au sein de son crâne, le cerveau prenant la place des écrans ; une performance, qu’il a d’ailleurs toujours magnifiquement exécutée, sauf que c’est de l’ordre de ce que l’on appelait autrefois, la sorcellerie, et qui exposait au pire des châtiments.


Le Sahara est humide, qui l’eut cru il y a seulement quelques années. Les oasis florissantes et verdoyantes en font l’une des destinations les plus prisées du moment. Dame nature s’en donne à cœur joie pour reverdir ces vastes étendues en de splendides tableaux aussi pittoresques les uns que les autres.


L’eau ne manque plus par ici, contrairement à d’autres continents. Dès que l’on traverse la Méditerranée, la sécheresse vous prend en pleine figure ; le bitume, le béton et les vitres ont transformé les villes en d’immenses serres désertées, car invivables. L’eau est rare, les sources tarissent, les barrages colmatés se dessèchent, le rationnement est une obligation pour que chacun puisse bénéficier du minimum disponible pour satisfaire quelques besoins vitaux.

Le gaspillage des décennies précédentes a abouti à la catastrophe d’aujourd’hui. En ce 26 février 2035, les visages bouleversés de ceux qui souhaitent protester portent les stigmates des angoisses du manque du précieux liquide sans laquelle, il ne peut y avoir de vie.

Et pourtant, de nombreuses alertes avaient été données par les pionniers que l’on considérait à l’époque, comme des personnages fantasques, des oiseaux de mauvais augure, des conspirateurs mêmes, que l’on ne prenait pas la peine d’écouter. Les pouvoirs publics en premier lieu. Les habitudes de gaspillage de l’eau étaient entrées dans les mœurs, toutes les pratiques désastreuses à la protection de l’environnement avaient été hautement maintenues par des forces du milieu de la finance qui en tiraient de grands avantages. L’on avait aussi cru que les pays du Sud étaient voués à une sorte de malédiction et qu’il y avait deux mondes, celui des habitants des terres spoliées pendant des siècles et celui des pays conquérants. Le combat avait été ainsi inéquitable. Les visionnaires prônaient la préservation de toute lueur de vie et les pourfendeurs de la haute finance obnubilés par les stratégies de multiplication du gain alliaient, sans états d’âme, la gabegie avec la vente de l’eau au prix fort, aux plus démunis.


Le résultat est là, implacable. La nature prenait sa revanche, la sécheresse aux trousses, l’on trouvait maintenant, presque désuet, toute propagande capitaliste. L’ère des affaires hautement financières a montré ses limites, chacun veut avoir accès au bien précieux qu’est l’eau. La problématique est discutée partout, le prix de la négligence est humainement lourd. Les nouvelles technologies ne peuvent malheureusement pas fabriquer le précieux liquide, il faut donc faire preuve d’ingéniosité et aller vers les irremplaçables sources naturelles. La nouvelle donne, c’est que l’on ne peut plus rien exploiter au détriment d’autres peuples.


Les phénomènes de migration du Nord vers le Sud s’intensifient. On panique et l’on occulte ce qui avait été reproché aux autres, à savoir que dans tout processus migratoire, l’on transporte forcément une partie de soi, d’une manière ou d’une autre.


En vérité, du Nord au Sud, d’Est en Ouest, l’homme a les mêmes besoins. Est-ce réellement une découverte ? L’abondance et le manque d’eau ont toujours été la source de phénomènes de déplacements de populations. L’eau est l’une des plus importantes sources de vie, elle mérite toutes les attentions, sous tous les cieux. L’accès à l’eau est un droit majeur, qui devrait être non négociable.

L’univers est unique et indivisible, les frontières sont des leurres, les races représentent la faiblesse de l’ego. La richesse et la pauvreté sont des représentations qui poussent à la vanité, voire à la mésestime. La fuite en avant et l’orgueil n’ont jamais rendu quiconque honorable. Nous avons compris à nos dépens, que le ciel se gagne de concert avec l’autre, et que considérer l’autre comme soi en est la clé.


Le 26 février 2035, du côté de Souima, à Podor, au Sénégal, les descendants des exilés des grandes sécheresses des années 1970, ont retrouvé les racines profondes du terroir. Leurs exils étaient dus à l’extrême pauvreté de cette période, et non à un désamour ou une mésestime de soi. Ils sont parfaitement outillés pour comprendre la vague de désertion de ceux du Nord vers le Sud et ils les accueillent forts de leurs expériences passées et de l’humanité qui dessert les cœurs et les esprits apaisés.


Vive l’eau !

Vive la vie !

Vive l’humanité apaisée !

Fatoumata KANE KI-ZERBO

kanefaoumata.com


 
 
 

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